Les animaux dans l’art au XX siècle : de la quête spirituelle aux expérimentations contemporaines
L’histoire de l’art du XX siècle est marquée par une mutation profonde de la représentation des animaux. Là où les siècles précédents n’hésitaient pas à faire de l’animal un emblème moral ou un symbole religieux, les artistes du XX siècle s’approprient la figure animale pour exprimer leur rapport au monde, leurs inquiétudes et leurs rêves. Le siècle commence par un regard nostalgique vers une nature idéalisée, se poursuit par des recherches formelles et spirituelles autour de l’animal, puis glisse vers un questionnement sur notre rapport au vivant et à la violence de la modernité.
Du primitivisme au retour à la nature : Rousseau et Gauguin
À la charnière des XIXᵉ et XXᵉ siècles, l’animal devient le support d’un rêve primitiviste. Beaucoup d’artistes aspirent à un monde perdu, loin de l’industrialisation, qui réconcilierait l’homme et la nature.
Le peintre autodidacte Henri Rousseau, surnommé le Douanier, est l’un des pionniers de cette veine naïve. Bien qu’il n’ait jamais quitté la France, il compose des jungles luxuriantes inspirées de livres illustrés, des jardins botaniques et de récits de soldats revenus du Mexique. Ses toiles montrent des combats féroces entre fauves et proies dans une flore inventée, ou, au contraire, des scènes pacifiées où de grands animaux comme les singes des Joyeux Farceurs (1906) contemplent l’espace Dans ses dernières jungles, il introduit des figures humaines en harmonie avec la faune (La Charmeuse de serpents, Le Rêve), œuvres d’abord moquées pour leur naïveté puis reconnues comme des modèles de poésie, au point qu’Apollinaire déclarera au Salon d’Automne : « cette année, personne ne rit, tous sont unanimes : ils admirent ».
L’idéal d’un retour à la nature anime également Paul Gauguin. Parti fuir la société industrielle, il peupla ses toiles tahitiennes d’animaux exotiques. Dans Rupe Rupe, la cueillette des fruits (1899), les animaux ne sont pas peints de manière naturaliste; ils participent à un univers onirique et à une quête spirituelle. Cette présence animale évoque un monde où l’homme et la bête coexistent dans un rêve d’âge d’or.
Les artistes européens nourrissent aussi leur inspiration de sources plus savantes. Le genre du singerie, apparu dès le XVIIᵉ siècle, connaît un regain d’intérêt avec l’orientalisme et la fascination pour l’exotisme. Des singes imitant les hommes apparaissent dans les décors rococo et les gravures. Le XX siècle réemploiera cette veine en la détournant vers la caricature ou la fantaisie. De nos jours, cette attraction perdure ; The Art Avenue propose par exemple une sélection de tableaux mettant en scène des singes, prolongeant cette fascination.
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Expressionnisme et symbolisme des couleurs : Franz Marc et le Blaue Reiter
Avec l’arrivée du groupe Blaue Reiter (Le Cavalier bleu) en Allemagne, l’animal devient le support d’une quête spirituelle et d’une exploration de la couleur. Fondateur du groupe avec Kandinsky, Franz Marc se détourne de la représentation humaine pour célébrer la force vitale de la nature. Ses peintures animales, essentiellement équines, associent à l’animal des qualités positives (le bon, le beau, le vrai) qu’il ne retrouve pas chez l’homme. Il cherche à peindre la façon dont l’animal voit le monde, simplifiant les formes et utilisant une palette symbolique : le bleu pour le masculin austère et le spirituel, le jaune pour le féminin joyeux et le rouge comme couleur de la violence.
Marc passe progressivement du figuratif à l’abstraction entre 1903 et 1914. Ses fameux Chevaux bleus (1911) ou Les Grands Chevaux bleus se détachent sur des fonds d’aplats colorés; l’animal y devient une figure métaphysique. Dans le même temps, Wassily Kandinsky utilise le motif du cheval et collabore avec Marc sur l’Almanach Der Blaue Reiter en 1914, tandis qu’il élabore sa théorie du spirituel dans l’art.Le cheval symbolise pour eux une victoire du spirituel sur le matériel et devient un emblème de connaissance de soi.
Le symbolisme animal se décline également dans l’œuvre de Henri Rousseau. Ses tigres, buffles et lions ne sont pas réalistes; ils incarnent la lutte entre le sauvage et l’innocent. Les jungles de Rousseau influenceront les expressionnistes et même les surréalistes, qui y verront une source de poésie et d’étrangeté.

Suréalisme et mythes modernes : Dali et les monstres hybrides
Dans l’entre-deux-guerres, l’animal devient un vecteur de l’inconscient. Les artistes surréalistes, fascinés par la psychanalyse, construisent des mondes où les bêtes revêtent des attributs oniriques et symboliques.
Salvador Dalí fait de l’éléphant un motif récurrent. Dans The Elephants (1948), il place les pachydermes au centre de la composition sur un fond désertique dépouillé; leur gigantisme est souligné par des pattes longues et arachnéennes, tandis qu’ils portent des obélisques inspirés de la sculpture de Bernin. Dalí renverse ainsi l’image traditionnelle de l’éléphant symbole de force et de puissance en le dotant de jambes fragiles et « multijointées » qui créent un contraste entre la lourdeur des obélisques et la légèreté illusoire de l’animal. Cette distorsion spatiale typique du surréalisme traduit une tension entre le réel et le rêve.
Le surréalisme puise aussi dans les mythes hybrides. Pablo Picasso explore dans les années 1930 la figure du Minotaure, créature mi-homme mi-taureau, miroir de ses propres fantasmes. À travers des dessins et gravures, il associe le monstre à l’érotisme, à la corrida méditerranéenne et à la lutte entre Eros et Thanatos, exprimant l’énergie vitale autant que la cruauté. Dans ces œuvres, le taureau apparaît à la fois comme bête sacrifiée et comme incarnation de l’artiste démiurge.
Les formes hybrides se multiplient chez les surréalistes : Max Ernst invente des oiseaux chimériques, Leonora Carrington des êtres mi-femmes mi-chevaux. Ces créatures reflètent une inquiétude face au monde moderne et une volonté de se ressourcer dans l’imaginaire. On retrouve cette quête dans la peinture onirique du Douanier Rousseau, où un être humain émerge du ventre d’un loup ou d’une biche, une scène que la plasticienne Kiki Smith réinterprétera un siècle plus tard en faisant surgir une femme du ventre d’un loup en bronze dans The Rapture (2001).
La passion pour l’équidé n’a pas disparu : dans le groupe Blaue Reiter, le cheval est une figure spirituelle, et chez les surréalistes il revient sous forme de métaphores oniriques. Pour prolonger ce voyage équestre, rendez-vous sur : https://theartavenueshop.com/collections/tableau-cheval , qui propose une variété de tableaux contemporains célébrant cet animal mythique.
Performances et installations : l’animal comme témoin de la modernité
À partir des années 1960-1970, l’art contemporain s’empare de l’animal pour dénoncer la violence industrielle ou explorer de nouvelles formes. Les artistes questionnent l’usage du vivant et dénoncent l’exploitation animale.
Le développement de l’art conceptuel et de la performance voit l’apparition de sculptures taxidermiques et d’installations. L’artiste allemande Gloria Friedmann, installée en France, se fait remarquer dans les années 1980 pour ses œuvres mettant en scène des cerfs naturalisés. Dans Envoyé spécial (1996), un cerf empaillé est posé sur un socle de journaux compressés; dans Le Gardien, un géant en terre et résine est surmonté de cerfs vigilants. Elle associe également crânes d’animaux et écrans de télévision pour souligner la confrontation entre le monde animal et l’information en continu. Ses photographies mêlant bœufs, chevaux et voitures dans des paysages urbains montrent des tableaux vivants où les bêtes deviennent les témoins d’une société en déliquescence.
Le constructiviste Victor Vasarely utilise la peau zébrée des animaux pour ses recherches optiques. En 1937-1938, il s’inspire des rayures des zèbres pour élaborer ses premières expérimentations d’op-art. Plus tard, l’Allemand Gerhard Richter peint un tigre flou à partir de photographies, l’animal devenant plus vivant grâce aux effets de flou.
D’autres artistes interrogent l’animalité au féminin. Kiki Smith, figure majeure de l’art américain, mélange humain et animal dans des sculptures, gravures et tapisseries où biches, oiseaux et loups veillent sur les femmes endormies. Ses œuvres explorent la naissance et la mort, le cycle du vivant et la mythologie. Paula Rego, peintre portugaise, utilise des lapins anthropomorphes pour illustrer la guerre et la violence, comme dans War (2003), un pastel où des lapins personnifient les atrocités de la guerre en Irak.
Le XX siècle voit aussi émerger des artistes hyperréalistes comme Gilles Aillaud, qui représentent des animaux en captivité pour souligner le contraste entre la beauté de leurs corps et la froideur aseptisée de l’environnement.Ses cages à lions (1967) ou ses hippopotames enfermés dénoncent notre regard sur les bêtes et questionnent la notion de liberté. La présence d’animaux dans l’art devient ainsi un miroir critique de notre propre humanité.
Un bestiaire moderne en mutation
Tout au long du XX siècle, l’animal cesse d’être un simple symbole pour devenir un sujet d’exploration intime et sociétale. Des jungles inventées du Douanier Rousseau aux chevaux mystiques de Franz Marc, des éléphants arachnéens de Dalí aux cerfs naturalisés de Gloria Friedmann, les artistes explorent toutes les facettes du monde animal pour interroger leur époque. L’animal est tour à tour alter ego, miroir de l’âme, critique de la modernité ou simple motif formel.
Cette diversité témoigne d’une évolution du regard : la bête n’est plus cantonnée à l’illustration d’un mythe ou d’une fable; elle est un sujet à part entière, porteur de sens et de questions. En redécouvrant ce bestiaire moderne, le spectateur est invité à réfléchir à son propre rapport au vivant et à l’environnement. Le XXI siècle prolonge ces interrogations par des œuvres engagées sur la cause animale et l’écologie. L’animal dans l’art reste ainsi un miroir de l’humanité et un terrain fertile pour les artistes en quête de nouveaux langages.
